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Violences policières : la guerre des images

La classe politique est unanime, et a raison, quant à la dénonciation de l’agression du producteur Michel Zecler révélée par Loopsider. Depuis vendredi 27 novembre, il n’y a pas une personnalité publique qui ne se soit pas émue de cette arrestation ignoble. Le futur candidat à la présidentielle pour le PCF, Fabien Roussel, en a profité pour souligner que « les violences policières racistes sont des réalités » tandis que le patron d’EELV, Julien Bayou, a tiré à boulet rouge contre le gouvernement et la loi de sécurité globale, votée en première lecture mardi dernier : « Sans les vidéos, rien ne serait sorti. Vidéos que vous voulez interdire. Pour protéger les policier-esqui exercent leur mission avec rectitude ? Ou pour assurer l'impunité de ces comportements qui déshonorent l'uniforme ? » La violence : bavure ou système ?

A se concentrer sur les images, on n’en oublie rapidement ce que l’on ne voit pas : cette police du quotidien qui ne fait pas de bruits ni de polémiques. Le problème est entièrement contenu dans ces évènements que certains présentent comme des bavures et d’autres comme des exemples pour étayer l’idée d’une police raciste et cruelle comme l’a fait Olivier Faure, le premier secrétaire du P.S en affirmant que « Il est temps d'accepter de traiter le sujet du racisme dans la police ». Il est évident, et le gouvernement ainsi que le chef de l’Etat ont été prompt à le rappeler par la voix de Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, que la violence qu’a subit M. Zecler est inadmissible et qu’une enquête est nécessaire pour des faits graves : notamment la possible rédaction en réunion d’un procès-verbal un jour après les faits, ce qui est peut être punis de quinze ans de prison et de 250.000 euros d’amende au titre de « faux en écriture publique ». Cependant, il ne faut pas faire de ce fait, aussi grave soit-il, plus qu’il n’est. Valentin Gendrot, lors d’une entrevu avec France info, est clair sur la question. L’auteur de la très longue enquête en immersion sur la police du XIXème arrondissement de Paris (Flic : un journaliste a infiltré la police, Goutte d’or, 2020.) appel à ne pas exagérer la portée de ce fait : « Attention, cela n'est pas pour autant représentatif de ce qu'est le métier de policier au quotidien. Il faut être bien plus nuancé. ». L’article 24 au banc des accusés.

Suite à cet évènement, les appels à retirer la loi de sécurité globale ont été nombreux et l’opposition à ce projet législatif a été très forte avec la manifestation de ce samedi à Paris, Lyon, Bordeaux et d’autres grandes villes. Le Ministère de l’Intérieur, dont les chiffres pour une mobilisation sont toujours à prendre avec du recul, a annoncé 46.000 manifestants à Paris. L’ancien président de la République, François Hollande, s’est exprimé sur Twitter en mettant en avant que « Quand un texte heurte les consciences et divise la société, quand il risque de provoquer de la violence, il faut le retirer » alors que Marine Le Pen sur le même média dénonce l’action des « milices d’extrême gauche » qui a nui à la réouverture des commerces non-essentiels ce même samedi. Gardant 2022 en tête, Yannick Jadot a appelé à la démission du Préfet de police de Paris Didier Lallement, cible de critiques après chaque opération policière médiatisée, et a dénoncé une « dérive liberticide et autoritaire » dont il impute la responsabilité à Gérald Darmanin et, surtout, au Président de la République. Ce n’est pas tant la loi de sécurité globale qui est critiquée, mais un article en particulier : le fameux article 24 visant à interdire la diffusion, sur les réseaux sociaux, du visage d’un membre des forces de l’ordre dans le but de nuire à sa santé physique ou psychique. Nombreux sont ceux qui l’ont vu comme une entrave à la liberté de la presse à diffuser des vidéos faisant état de violence policière. Or, le président du premier syndicat policier, Unité SGP Police FO, Yves Lefebvre, rassure en affirmant au micro de Franceinfo que cet article 24 « n’a pas pour vocation à interdire qui que ce soit de filmer, que ce soit un quidam moyen ou, bien évidemment la presse » le syndicat approuve les suspensions des agents mis en cause.

A droite aussi, l’article est pointé du doigt pour sa formulation très floue qui le rend presque inapplicable. Le membre de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, souligne que ce texte n’était « ni fait ni à faire » tant il est « écrit avec les pieds » et a tenu a rappelé au micro de public Sénat que la Chambre Haute est prête à travailler sur ce texte pour défendre les policiers et « protéger la liberté de la presse » en même temps. Se posant comme le contre-pouvoir parlementaire qu’il est, le Sénat se montre prêt à travailler sur un texte dont il partage l’esprit mais dont la lettre est à revoir. C’est dans cet esprit que le président du Sénat, Gérard Larcher, a réagi à l’annonce de Jean Castex de réunir une commission consultative pour réécrire l’article 24 du projet de loi alors qu’il est en train d’être discuté par les deux Assemblées, rappelant que « Cela va à l'encontre du fonctionnement normal de nos institutions et c'est en totale contradiction avec les droits du Parlement ».

Cependant, au-delà de ce tristement fameux article 24, le projet de loi sécurité globale est riche de plusieurs propositions dont une qui est à relire à la une de l’actualité policière. L’article 21 de ce projet de loi, dont l’origine est parlementaire bien que repris avec force par le gouvernement, permettrait de généraliser l’utilisation des caméras piétonnes dont l’une des utilisations est, selon le projet de loi sécurité globale, « la formation et la pédagogie des agents ainsi que l’information du public sur les circonstances de l’intervention ». Le but de cette modification du code de la sécurité intérieure est de permettre aux forces de l’ordre de pouvoir répondre, par leurs propres images, aux attaques portées contre l’institution lors d’évènement comme l’agression de Michel Zecler. Ces « caméras individuelles » expérimentées depuis 2016 dans certaines communes de France, portées par les policiers lors de leurs interventions ou de leurs patrouilles, seraient aussi d’une aide précieuse pour établir l’innocence ou la culpabilité d’un agent accusé de violence. Cependant, le spécialiste Pascal Bitot-Panelli souligne que « les fonctionnaires n’ont plus de batterie au bout de deux heures, donc il importe qu’on équipe les fonctionnaires avec du matériel qui fonctionne bien ».

Georges Taffoureau

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