Séparatisme : retour sur les annonces d'Emmanuel Macron
- occidentis
- 2 oct. 2020
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L’élection présidentielle aurait dû être le moment du débat sur le terrorisme et la place de l’Islam en France. Ce ne fût pas le cas du fait des différentes affaires judiciaires qui ponctuèrent la campagne. Annoncée depuis février 2020, dans le contexte des élections municipales, cette prise de parole a tardé. La voilà enfin, s’inscrivant ouvertement dans le contexte des derniers attentats et du procès des attaques islamistes de janvier 2015. La parole présidentielle s’est voulue lucide, forte et républicaine en faisant le constat d’une défaillance des pouvoirs publics et d’un réel problème avec « le séparatisme islamique ». Identifiant cet Islam comme « une organisation méthodique » portant un projet de contre-
société dont le but serait de prendre le pouvoir. Le Président de la République a ainsi analysé la montée d’un Islam radical à l’échelle du monde entier, mettant en relief un problème global. Intitulé « la République en actes », ce discours visait à présenter une grande stratégie de « reconquête républicaine » par le moyen d’une loi ayant pour but de réarmer l’Etat face à un Islam radical qui a grandi à la faveur d’un recul des services publics.
Des grandes annonces
A bien des égards cette allocution présidentielle est programmatique. Durant un peu plus d’une heure d’un discours sans envolée et plein de constat d’échec de la République, le chef de l’Etat a dessiné un plan politique qui doit s’inscrire dans la durée. Identifiant les principales brèches de notre pacte national, Emmanuel Macron à affirmer vouloir « contrôler, poursuivre, sanctionner ».
Le premier de ces grands chantiers est celui du service public. Deux points sont essentiels : les préfets devraient avoir les pouvoirs de revenir sur des actes municipaux tels que l’instauration de menus confessionnels à la cantine ou de mise en place d’horaires de piscine différenciés pour les hommes et les femmes. Les préfets, relais du pouvoir exécutif, se trouveraient intégrés pleinement à la lutte contre le séparatisme islamique. La volonté de briser cette pression électorale que peuvent exercer certaines communautés sur les maires apparaît clairement dans cette mesure. L’autre action sur le service public est la mesure visant à imposer l’obligation de neutralité, déjà effective pour les agents publics, aux
personnels des entreprises délégataires. Le Président a ainsi déploré qu’« au sein de nombreux services publics exercés par des entreprises, en particulier les transports en commun, nous avons aussi vu se multiplier les dérives ».
Autre point central des annonces : les associations feront l’objet de décisions spécifiques. Régies par les lois de 1901 et de 1905, pour celle à caractère cultuelle, les associations avaient la possibilité de se faire les relais d’un Islam nauséabond. Affirmant que « nombre d'associations proposant des activités sportives, culturelles, artistiques, linguistiques ou autres, ou qui ont pour raison d'être l'accompagnement des plus démunis ou l'aide alimentaire, déploient en réalité des stratégies assumées d’endoctrinement », le Président de la République a présenté des mesures visant à combattre ce problème. Avant tout, la stratégie de l’exécutif est de réarmer l’Etat en étendant les motifs de dissolution d’une association en Conseil des ministres. Actuellement seuls trois motifs prévalent : le
terrorisme, l’antisémitisme et le racisme, la future loi inclura les faits d'atteinte à la dignité de la personne ou de pressions psychologiques ou physiques. En clair, toutes les associations qui ont pour but de convertir à l’Islam radical. A cela s’ajoute une mesure sur le financement des associations. Toute association demandant un financement public devra ratifier une charte des valeurs républicaines, « si le contrat est rompu, ses responsables devront rembourser, car il est nécessaire que l’argent public ne serve pas à financer les séparatismes ». Le président ne s’est, cependant, pas prononcé sur la nature
de ces « valeurs républicaines ».
Le chef de l’Etat en est ensuite venu à l’institution républicaine par excellence, forte d’une histoire de deux siècles : l’école. Raccordant avec la conception des Lumières, pensant que « l’instruction peut tout » selon les mots d’Helvétius. A ce moment du discours, le ton du président est devenu plus ferme à travers une séries d’annonces qui intègrent Jean-Michel Blanquer et son ministère dans le combat pour la République. La première est que dès la rentrée 2021, l’instruction à domicile ne sera acceptée que pour les seules raisons de santé et la scolarisation sera obligatoire dès 3 ans. La reconquête républicaine passera aussi par une reconquête des classes et la lutte contre les influences étrangères avec la suppression des ELCO, dont le fonctionnement reposait sur des enseignants choisis, salariés et
surveillés par les pays d’origine comme la Turquie et l’Algérie. Ce système qui a vu le jour en 1977 et avait été critiqué comme étant « un dispositif contre-productif et propice aux dérives » par un rapport du Sénat de 2014 mais aussi par un autre datant de 2003. Il sera remplacé par les EILE (Enseignements Internationaux de Langues Etrangères), conçus en 2016. Le Ministre de l’éducation Nationale avait annoncé, le 19 février dernier au micro de France Info, que ces EILE permettraient « d’agréer les professeurs, fixer les programmes et contrôler ce qui se passe, ce qui n'était pas le cas avec les ELCO ». Enfin, les écoles hors-contrat seront plus surveillées en portant le regard sur plusieurs points tels que les parcours des personnels, contenu pédagogique des enseignements, origine
des financements : tout sera passé au crible a annoncé M. Macron. C’est bien toute une vieille pensée républicaine qui se retrouve dans ce combat pour l’école. Leibniz disait que « l’éducation peut tout, puisqu’elle fait danser les ours », reste à voir si l’éducation pourra faire danser au tempo de la République cet ours mal léché qu’est l’Islam radical.
Le dernier grand chantier a été formulé comme une invitation à construire « un Islam des Lumières », le Président affirmant que « [il] ne pense pas qu'il faille une forme d'islam gallican. Non, mais il nous faut aider cette religion dans notre pays à se structurer pour être un partenaire de la République. En effet, l’Etat ne peut pas, en vertu de la loi de 1905, organiser un culte mais il peut formuler des attentes au près d’institutions qui en ont le pouvoir comme c’est le cas du Conseil Français du Culte Musulman fondé par Nicolas Sarkozy en 2001, lorsqu’il était Ministre de l’Intérieur. Dans ce dossier le Président a tenu à libérer l’Islam français de son influence étrangère en mettant fin à l’Islam consulaire, c’est-à- dire à la formation des imams français à l’étranger à la faveur d’une formation en France. Ici aussi, il est affaire de gros sous puisque le chef de l’Etat veut revenir sur la surveillance des mosquées qui se plaçaient sous le coup de la loi 1901 afin d’éviter ce contrôle très étroit qui est opéré dans le cadre des associations cultuelles de la loi de 1905. Le but est de mieux surveiller les financements venant de l’étranger en incitant les mosquées à se placer sous le statut de 1905. Ce qui se profile ici, subtilement tant la question anime les passions en France, est une nouvelle discussion sur la loi de 1905. En forgeant l’idée d’un « Islam des Lumières », l’exécutif entend travailler à une sécularisation de l’Islam comme ce fut le cas du catholicisme au XVIIIème et au XIXème siècles.
Le mythe de 1905.
Le Président l’a rappelé en début de discours : « le problème ce n’est pas la laïcité ». Cependant, il a fait remarquer, et cela à très juste titre, que la loi de 1905 organisant la séparation des Eglises et de l’Etat avait été écrite dans un contexte où l’Islam n’était quasiment pas présent en France, tout en omettant le fait que cette loi de 1905 avait été porté par les milieux anticléricaux hostile à l’Eglise catholique romaine. A travers ce long discours, Emmanuel Macron se rattache à l’un des principes de la République française : L’Etat ne doit pas faire la promotion d’un culte ou d’une croyance mais doit permettre à chacun de vivre sa foi. Beau principe il est vrai, mais qui s’est fait avec des cultes passablement affaiblis qui subirent cette loi plus qu’y participèrent. En 1905, l’Eglise majoritaire, celle du culte catholique, apostolique et romain sort d’un très long XIXème siècle caractérisé par une lente déchristianisation et une perte d’influence de l’Eglise depuis la Révolution de 1789. En 2020, la question est très différente puisque le culte musulman, et ses groupes les plus radicaux, sont dans une position de force. Entrant dans des institutions clefs de la République comme l’école, le communautarisme islamique a pu progresser et se faire une place de choix, c’est le constat que fait Jean-Pierre Obin dans son dernier ouvrage Comment on a laissé l’islamisme pénétré l’école. Cela a mené l’ancien Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, à promettre le pire si rien n’est fait, dès 2018 :« il faut une vision d'ensemble car on vit côte à côte et je le dis, moi je crains que demain on ne vive
face à face, nous sommes en face de problèmes immenses». Il aura fallu plusieurs attentats, dont celui de la Préfecture de Paris, pour que le Président prenne ce sujet au sérieux. Ce discours arrive pourtant bien tard, à moins de deux ans d’une élection présidentielle bien incertaine, et on peut supposer que ses prises de parole ne sont pas sans arrière-pensées électoralistes.
La république en actes et en marche.
Après le double échec des élections européennes et municipales, la stratégie électorale du Président de la République pour les élections départementales et régionales ne fait pas de doute : capter un électorat très sensible aux questions sécuritaires qui vote traditionnellement à droite. Deux élections qui vont peser très lourd dans les choix de candidature d’une droite en passe de connaître une nouvelle explosion. C’est de cette possible absence de candidature unique à droite pour la magistrature suprême que le parti présidentiel peut espérer le plus. En s’aventurant sur les questions du radicalisme islamique, M. Macron se fait une image de président à l’aise sur les questions de sécurité. Par-là, le
Président commence à préparer son combat contre le Rassemblement National qui, en raison des divisions à droite comme à gauche et de la perte de position de Jean-Luc Mélenchon, pourrait bien être le seul parti présentant une vraie opposition à La République En Marche. Le discours du Président de la République est-il le premier d’une longue campagne ? Rien n’est moins sûr, mais l’hypothèse reste plausible.
Georges TAFFOUREAU.
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