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La révolution pontificale

A l’occasion de l’angélus du dimanche 25 octobre, le pape François a annoncé la tenue d’un consistoire ordinaire le 28 novembre pour nommer treize nouveaux cardinaux. Cette prochaine séance élève à cent-un le nombre des prêtres choisis par le pape François pour qu’ils « l’aident dans le Ministère d’évêque de Rome », depuis son accession au Trône de Saint Pierre. C’est bien une lente restructuration du Collège des cardinaux qui est en train de se dessiner ; et cela n’est pas anodin. Les cardinaux ne sont pas seulement les plus hauts princes de la Sainte Eglise, ils incarnent tout le prestige de l’institution romaine et sont le symbole de son rayonnement dans le monde. Outre cette charge symbolique, ils sont les adjuvants du souverain pontife et doivent le conseiller pour diriger l’Eglise qui a été confié à Pierre et ils auront la lourde tâche, pour certains d’entre eux, de nommer le prochain successeur de Saint Pierre. Une Eglise mondiale

Depuis 2014, le pape François est désireux d’apporter de la diversité au sein du Collège des cardinaux. Cela se continue avec l’élévation de Monseigneur Wilton Gregory qui sera le premier cardinal afro-américain de l’histoire. L’archevêque de Washington s’est distingué par son zèle à combattre les crimes sexuels au sein de l’Église catholique américaine. Le Rwanda, pays dont l’histoire récente est sanglante, gagne aussi son premier cardinal en la personne de Monseigneur Antoine Kambanda qui avait été fait archevêque de Kigali en 2019 par le pape François. A l’occasion de la remise du pallium, son Excellence Kambanda avait dit au micro de Radio Vatican : « Après ce qui s’est passé avec le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, génocide commis par les Rwandais, les voisins, même les chrétiens, revivre et reconstruire la communauté, le mot clé c’est le pardon. Pouvoir demander et accorder le pardon. Par le mot pardon, le Pape évoque un message opportun pour ma mission au Rwanda ». Cette nomination prolonge donc l’idée du serviteur des serviteurs de Dieu d’œuvrer pour la paix et le Pardon, valeur essentielle de la vie chrétienne.  La péninsule italique est toujours bien représentée dans ce cortège de nomination avec six chapeaux rouges venant des quatre coins de l’Italie. C’est un trait caractéristique de l’histoire du Sacré Collège des cardinaux que d’être marqué par la dominante italienne avec des noms fameux comme celui des Sforza de Milan ou des Médicis de Florence, durant le Renaissance. Aujourd’hui, ces noms se sont figés dans l’histoire mais le poids de l’Italie reste important au sein de l’Eglise. Le sultanat de Brunei, dont la population est largement convertie à l’Islam, voit pour la première fois de son histoire un de ses prélats obtenir la pourpre par la personne de Monseigneur Cornelius Sim. Il avait été nommé par saint Jean-Paul II à la suite de la création du vicariat apostolique de Brunei en 2004. Espérons que l’élan missionnaire qui a porté Son Excellence Cornelius Sim suscite des vocations dans ce petit Etat de mer de Chine méridionale. A bien des égards, ce consistoire représente la vocation à la fois missionnaire et universelle d’une Eglise romaine qui se veut ouverte sur le monde, ce dont l’élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio à la tête de l’Eglise est un exemple flagrant. Il semble donc que le souverain pontife ait fait le choix de continuer sur ce chemin d’ouverture. Habemus papam 

Ce n’est pas que sur le plan géographique que le pape François a voulu marquer les institutions de l’Eglise. Pape réformateur et progressiste, François souhaite implanter profondément les idées qui sont les siennes dans la Sainte Eglise. Ses dernière sorties médiatiques sur l’union civile pour les personnes homosexuelles n’ont laissé personne indifférent, se prononçant en faveur d’une « loi d’union civil » et d’une protection légale de ces couples. Sa dernière encyclique, Fratelli tuti, a elle aussi suscité la discussion en prenant position, une nouvelle fois, sur les questions des migrations et de l’accueil des migrants.  En nommant 9 nouveaux cardinaux électeurs potentiels, c’est-à-dire qui ont moins de quatre-vingts ans et qui peuvent donc voter pour élire le pape lors des conclaves, le pape François porte à soixante-dix-neuf  le nombre d’électeurs qu’il a lui-même nommé sur un total actuel de cent-vingt-neuf cardinaux électeurs. Ce qui se joue, depuis le premier consistoire de l’actuel évêque de Rome en 2014, est la redéfinition du corps électoral du prochain Conclave. En d’autre terme, sa Majesté le souverain pontife de l’Eglise universelle choisit l’obédience de son successeur ; une obédience proche de la sienne : le progressisme. Presque soixante ans après le concile Vatican II de 1962, on remarque l’influence des idées nouvelles portées par ce concile voulue par saint Jean XXIII et continué par saint Paul VI : l’œcuménisme et le dialogue inter-religieux. En cela, la nomination du très actif prêtre capucin Raniero Cantalamessaest significative. Grand écrivain et prédicateur de la maison pontificale depuis saint Jean-Paul II, ce qui lui donne la possibilité de prêcher aux Papes durant le temps de l’Avent et du Carême, ce père souriant drapé de brun, l’habit des Capucins, est l’un des nouveaux visages du dialogue inter religieux. Il a été membre de la délégation catholique pour le dialogue avec les Eglises pentecôtistes pendant douze ans, a prêché en 2015 au Synode général de l'Église anglicane en présence de la reine Elizabeth, qui est le gouverneur suprême de cette Eglise schismatique initiée par Henri VIII. Avec cet homme, le pape réaffirme la volonté de porter le dialogue entre les différentes religions, ce qui se retrouvait déjà dans son encyclique Laudato si, autour du thème de l’écologie.  Ces nominations laissent aussi voir la prégnance d’un lourd problème dans l’Eglise du XXème et du XXIème siècle : les scandales sexuels. Ces scandales se sont fait jour au moment du pontificat de Benoit XVI et n’ont eu de cesse de défigurer l’Eglise romaine avec, par exemple, le scandale de l’archevêché de Lyon qui a mené à la démission du cardinal Barbarin. Le pape François semble déterminé à travailler sur cette thématique, ce qu’il fait déjà, avec le futur cardinal Wilton Gregory qui a mené le combat contre ces dérives dans l’Eglise américaine. L’archevêque de Washington semble aussi très proche des idées du pape François sur les questions LGBT tout en étant une figure forte pour fédérer la communauté afro-américaine dont il sera le premier cardinal, cette communauté au centre des questions actuelles des Etats-Unis avec la mort de Georges Floyd et des mouvements décoloniaux et intersectionnels. Ainsi, Son Excellence Wilton Gregory n’avait pas hésité à critiquer le coup de comm’ politique de Donald Trump au soir du 2 juin, en pleine émeute dans la capitale, en se rendant dans le sanctuaire Saint-Jean-Paul-II.  La ligne de l’actuel pape est donc confirmée par ces nominations qui ancrent les valeurs progressistes au cœur de l’Eglise. Le pontificat de François confirme cette grande révolution survenue dans l’Eglise au moment de l’inattendu concile Vatican II. 

Georges Taffoureau




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