top of page
  • occidentis

Elections régionales : vers un report en juin 2021 ?

Le monde d’après est un monde bien étrange. C’est durant le deuxième confinement, qui n’est semblable au premier que par le nom, que Jean-Louis Debré a décidé de rendre son travail sur le report des élections régionales. L’ancien Président du Conseil constitutionnel, chargé par le Premier ministre de trancher la question des élections de mars 2021, a enfin dévoilé ce secret de polichinelle : il milite pour un report à avril/juin.  Ce rapport, consultatif et n’ayant pas force de loi, propose plusieurs pistes pour organiser des élections départementales et régionales attendues par l’ensemble de la classe politique dans la perspective de la présidentielle. 


L’enjeu est de taille alors que ce prochain moment démocratique doit gommer à la fois l’échec des municipales dont le taux de participation cassait l’image de cette élection si aimée des Français (au second tour des élections municipales, déplacé en août 2020, seulement 41.6% des inscrits avaient fait le déplacement contre 62,13% en 2014), et redorer l’image du gouvernement critiqué pour sa mauvaise gestion et son manque d’anticipation de la crise sanitaire. 


En repoussant la date des élections, le gouvernement espère pouvoir les organiser dans un contexte sanitaire plus détendu. L’espoir d’un vaccin pour le début de l’année 2021 pourrait conforter cet espoir, à condition que la campagne de vaccination soit efficace. Si les élections municipales n’ont été qu’un moment démocratique raté, les régionales sont de plus en plus pensées par la classe politique comme une opportunité de revitaliser un système politique affaibli. Selon un sondage Fondalop-Le Figaro, 79% des Français sont prêts à faire le choix d’un vote « anti-système » en 2022, à comprendre un « vote populiste, votes blanc, nul et abstention » ; un chiffre qui n’était qu’à 30,8% en 2007 et à 60,9% dix ans plus tard. Ce même sondage révèle, donnée précieuse, que seulement 59% des Français adhérent à la démocratie représentative avec un Parlement. Assurément, les régionales à venir s’annoncent comme un tour de chauffe pour le scrutin 2022. 


Très attentif à ce qui s’est passé Outre-Atlantique, l’idée du vote par correspondance fait son retour dans le monde politique français alors qu’il est interdit depuis 1975 du fait des potentielles fraudes. Aux Etats-Unis, la forte mobilisation des électeurs en pleine pandémie a laissé les commentateurs français bien songeurs avec une participation de 66.4%, un record pour ce pays. Ainsi, Ségolène Royale se montrait ouverte à cette idée mardi 10 novembre au micro de Jean-Jacques Bourdin, arguant qu’il faut un « dispositif global qui permet aux gens de voter ». Cependant, la candidate malheureuse en 2007 n’est pas dupe, il est nécessaire que ce vote se fasse « sous certaines conditions », au vue de ce que l’élection américaine a donné comme spectacle, et donne toujours, avec un vote par correspondance totalement anarchique ne permettant pas de proclamer un vainqueur trois jours après l’élection. Côté républicain, Alain Milon, sénateur LR du Vaucluse, voit d’un bon œil le report en juin voire après les présidentielles « si le virus est toujours là ».


Une unité nationale forcée.


Assurément, la stratégie de Jean-Louis Debré est payante : en ouvrant le dialogue avec tous les partis politiques durant plusieurs semaines de consultation, il a réussi à créer un semblant d’unité nationale puisque tous en sont arrivés à se prononcer pour le report en juin. Pourtant, il aura fallu presque un mois de concertation, et un reconfinement entre temps, pour forcer les élus à s’unir derrière l’idée d’un report. C’est le cas de Gérard Larcher, président LR du Sénat depuis 2014 et déjà élu à ce mandat de 2008 à 2011, qui en octobre se disait assez opposé à cette idée hormis si la situation sanitaire se compliquait, il a finalement cédé pour le report en juin mais pas au-delà sans quoi cela « poserait en revanche un problème politique et constitutionnel », affirmant que ce report à avril/juin ne doit être fait sans aucune « arrière-pensée » de la part du président de la République et du Premier ministre ; il s’est lui aussi dit ouvert à l’idée du vote par correspondance.De son côté, le Président de l’Assemblée Nationale, Richard Ferrand (LREM), s’est évidemment prononcé en faveur du report. 

En un mois, le confinement et le travail de Jean-Louis Debré ont accouché d’une unité sur la question du report, ce qui laisse augurer un vote gagné d’avance puisque le report des élections ne peut être décidé légalement que par une décision du Sénat et de l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a annoncé,vendredi 13 novembre, sur son compte twitter qu’il allait porter « devant le Parlement dans les toutes prochaines semaines un projet de loi proposant ce nouveau calendrier électoral et les conditions d’organisation des scrutins. » Si la question du report est actée, celle du scrutin ne l’est pas encore ; l’unité nationale tiendra-t-elle sur cette question autrement plus épineuse ? 


Les régionales 2021 : primaire par défaut à droite ? 


Ce qui est certain, c’est que les régionales de 2021 vont être le moyen de choisir les candidats pour 2022, ou du moins de lancer les hostilités. Depuis cet été, des personnalités politiques comme Xavier Bertrand ont conditionné leur candidature à la présidentielle, à leur résultat aux régionales. Dans une entrevue avec le quotidien locale Corse-Matin, le Président des Hauts-de-France affirmait le 10 août que « Ma primaire, ça sera le scrutin régional des Hauts-de-France », le rendez-vous était fixé. Plus frileuse, Valérie Pécresse ne rejetait pas l’idée d’une primaire au micro de RTL le 25 août. Pour sa part, Bruno Retailleau, le 1er Octobre à RMC, ne semble pas oublier que sans les affaires judiciaires, la primaire de la droite en 2017 aurait accouché d’un candidat presque vainqueur et rappelle que les primaires sont toujours inscrites dans les statuts de LR. Ces primaires, auxquelles il est prêt à candidater, devraient selon lui se dérouler après les régionales pour ne pas les « polluer ». Le report des régionales est donc problématique pour une droite en mal de repère depuis son éclatement à la suite de la défaite de 2012 et dont la campagne de 2017 a été un exemple de division de la primaire au soir du premier tour. Sans chef ni parti uni, la droite de gouvernement ne peut se raccrocher qu’à son exceptionnel ancrage local pour reproduire aux régionales et départementales la victoire des municipales de 2020 puis des sénatoriales.


Les Républicains profitent tout de même d’un contexte propice puisque le parti présidentiel a, nous l’avons vu aux européennes puis aux municipales, une grande difficulté à s’implanter dans le paysage politique faute de grands élus locaux comme on en retrouve à droite. A ce titre, il est intéressant de constater qu’une grande partie des élus locaux de LREM sont des transfuges de LR tel qu’Edouard Philippe au Havre ou Jean Castex dans les Pyrénées Orientales ainsi que Gerald Darmanin à Tourcoing. La menace à gauche n’est pas non plus très grande puisque le Parti Socialiste paye encore pour le quinquennat de François Hollande et qu’EELV n’est qu’un parti de métropole et pas des petites communes. Paradoxalement, cette possible victoire de la droite ne renforcera pas LR mais, au contraire, en précipitera l’explosion du fait de la multiplicité des candidatures à la présidentielle, ce qui pourrait servir un Emmanuel Macron qui intensifie sa stratégie de conquête de l’électorat de droite. 


Georges Taffoureau

--


13 vues0 commentaire
Post: Blog2_Post
bottom of page